Republic of Jazz: Benjamin Faugloire Project

Monday, March 14, 2016

Benjamin Faugloire Project - Birth (2016)

L’élégance du jazz avec l’énergie du rock et les mélodies de la pop ?

On pourrait oser ce raccourci pour évoquer Birth, le dernier enregistrement du trio du pianiste Benjamin Faugloire. Ce mélange est à l’œuvre dès « Foundations » qui ouvre l’album, et où un riff simple et entêtant alterne avec des passage plus « jungle » (on retrouvera cet esprit, par exemple, dans « Heavy Idea » ou « Reaction »).

Comment dire ?

C’est un peu Monsieur Propre (clarté des lignes mélodiques du piano, inspiration classique) dans la brousse (drumming brut, lignes telluriques sur la contrebasse). Avec des compositions qui sont l’évidence même - par leur côté immédiatement familier, presque entêtant - un trio « classique » aurait privilégié un jeu élastique et soyeux, un écrin de joaillier.

La force de ce trio réside, à l’inverse, dans sa capacité inouïe à varier les dynamiques au cours d’un même thème. Idem pour les métriques avec quelques passages « escarpés » qui permettent d’accentuer les contrastes, comme des « hiatus rythmiques ». On perçoit des moments de quiétude, de fragilité (« Beautiful Day For a Birth », « Euphoria », « Depression’s promises », « Alive »…), et peut-être même un zeste de nostalgie, quand arrive une rupture au détour d’une barre de mesure. Ici, le dénivelé est toujours positif. Cet enregistrement, dont on ne louera jamais assez la qualité des compositions de Benjamin Faugloire, ne comporte aucun temps faible. On a bien compris que le calme n’est jamais de longue durée et qu’il annonce toujours la tempête. Entre l’eau (le piano), qui cependant ne stagne jamais, et le feu (la batterie de Jérôme Mouriez) qui reste maîtrisé, c’est la contrebasse, ancrée sur terre, qui est gardienne du tempo. Ce mélange de jazz et de musique pop évoque parfois le trio EST. On y retrouve le même raffinement et une aisance identique pour marier des univers différents.

Après deux précédents disques ensemble, ces trois musiciens ont acquis une complémentarité qui flirte avec l’osmose. Il est fréquent de noter l’empathie entre les musiciens dans une chronique de disque ; il est rarissime de la constater à ce point. Avec quelque dix années de compagnonnage, ces trois-là poussent l’aventure encore un plus loin, vers une sorte de jazz « garage ».

On peut être un grand sensible et jouer les déménageurs.

par Antoine Garance / citizenjazz