Remarqué par un premier album, « All In », avec lequel il avait mis en plein dans le mille, Adrien Chicot revient au disque avec le même trio. Redondance ? Répétition ? Pas le moins du monde. Fidélité à des partenaires, plutôt, le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Jean-Pierre Arnaud, qui servent parfaitement sa musique et sont en tout point sur la même longueur d’onde que le pianiste : un groupe qui tourne comme un seul homme, une rythmique nerveuse et véloce, au swing ferme et léger à la fois, qui peut se révéler poétique et sensible.
Cohérence d’un univers, surtout, qui se développe d’autant plus naturellement en trio, cadre si chéri des pianistes, qu’Adrien Chicot a fort à faire ailleurs, avec le quartet du saxophoniste Samy Thiébault ou le quintet du trompettiste Julien Alour, et qu’il semble avoir trouvé là l’espace de jeu qui lui sied. Alour, Thiébault, Chicot, trois noms d’une même génération de jazzmen parisiens qui ont choisi le jazz comme musique d’adoption, langage qu’ils partagent, vie qu’ils mènent avec un sens de la camaraderie qui les a conduits à trainer leurs guêtres dans tous les clubs de la capitale, jusqu’aux petits matins, tout en aiguisant leur savoir-faire sur scène, à l’école des bœufs, ou en relevant les maîtres à partir desquels ils ont fondé leur discours et libéré leur parole.
Car elle n’est en rien bridée, la musique d’Adrien Chicot, dont l’allant naturel sur le clavier et l’imagination féconde révèlent une inspiration continue, une aisance dans le format du trio et un rapport de spontanéité au jazz qui pourraient faire croire que ce musicien a grandi ailleurs, de l’autre côté de l’Atlantique.
Laissant entendre qu’il n’est pas resté insensible à ses contemporains, tout en rendant manifeste ce qu’il doit aux grands pianistes qui ont façonné la tradition du genre, de Duke Ellington à McCoy Tyner, de Bud Powell à Herbie Hancock, sans qu’il soit nécessaire de se référer à eux pour apprécier la profondeur et l’engagement qu’il met à jouer, Adrien Chicot a le jazz dans la peau. Ou plutôt il l’a sous les doigts : il file, il virevolte, il swingue, il surprend, il touche, avec cette évidence qui donne le sentiment de ne pas écouter un pianiste scolaire et appliqué qui a simplement bien intégré la leçon des anciens mais, tout à l’inverse, quelqu’un chez qui le rapport à l’instrument -ce fameux « toucher » qui distingue les musiciens entre eux -et à l’improvisation ont façonné une conscience et une personnalité qui témoignent d’un artiste entier, appelé à durer et à faire œuvre. Ce n’est pas rien. Soyons heureux d’assister à l’éclosion de ce talent. Vincent Bessières
01. Late
02. Fourth Floor
03. Under the Tree
04. Blue Wall
05. Key for Two
06. Playing in the Dark
07. Backpack
08. Lush Life
09. Sunset with the Birds
Sylvain Romano, contrebass
Jean-Pierre Arnaud, batterie